23 juin 2009

Un outil de veille des médias sociaux : Radian6

J'ai pu tester récemment un outil de monitoring (ou de veille) des médias sociaux: Radian6.

Cette application Web permet de suivre l'ensemble des "conversations" ayant cours dans les blogues, microblogues, sites de médias, sites de dépôt de vidéos, forums, ainsi que les commentaires laissés par des participants, entre autres.

Avertissement: ce billet offre un aperçu très partiel du potentiel de Radian6

D'entrée de jeu, il faut reconnaître que Radian6 offre à quiconque en fait la demande une démonstration convaincante de son application.

Grâce à l'application GotoWebinar de Citrix, soutenue par une conversation téléphonique avec un de ses représentants, Radian6 reprend les principales étapes de recherche menant au monitoring des médias sociaux par le biais de son Dashboard (tableau de bord).

Cliquez sur les images pour obtenir un meilleur aperçu.

Les exemples qui servent a démontrer le potentiel et la portée de l'application proviennent de grandes entreprises américaines (Dell et McDonald's entre autres).









Les prochaines images illustrent la création d'un profil de sujet (Topic Profile) permettant de gérer un ensemble de données de recherche: type de médias, langues, mots clés associés par groupe et sous-groupe (principes booléens), portée du média, etc.


On crée un profil pour l'entreprise
McDonald's.














On crée ici un profil d'un compétiteur
de McDo avec mots clés associés.









L'application permet d'ajuster, selon le niveau d'importance accordée, certaines données essentielles.




Lorsque les principales données sont saisies et enregistrées, Radian6 est prête à fournir l'ensemble des conversations par le biais d'un de ses modules intitulé River of News (Torrent de nouvelles).

L'image à gauche illustre ce qu'on obtient avec des mots clés associés à la compagnie Dell. Au moment de la démonstration, on remarque la prépondérance de Twitter (+ de 12k messages) simplement parce qu'on a choisi cette catégorie.

Pour chacun des intervenants Twitter, on obtient un aperçu du profil: combien de gens on suit, combien de gens nous suivent, le nombre de mises à jour.


L'image de droite illustre de quelles façons les
interventions des individus peuvent être catégorisées et suivies par une équipe d'analystes ou de veilleurs, selon la portée et l'influence du message...







On remarque dans l'image de gauche que pour chacun des messages Twitter, une série d'actions s'offre au(x) veilleur (s): se laisser des notes ainsi qu'une trace de veille, juger le sentiment du message, recommander un suivi, etc. De plus, l'application permettrait une veille encore plus profonde puisqu'elle peut établir en partie le profil social d'un individu, notamment par le biais de ses autres affinités virtuelles, le cas échéant.




L'image de droite illustre une façon dont sont triés des blogues jouissant d'une grande notoriété (Top Influencers) avec plusieurs types de données dont le nombre de billets et de commentaires.























L'image ci-dessus montre à la fois une série de billets triés selon un niveau de discussion (Engagement) ainsi que le type d'alerte que le veilleur ou analyste peut recevoir.

L'image de gauche montre un graphique indiquant le nombre de billets/messages pour Mcdonald's par rapport à des compétiteurs ainsi qu'à d'autres mots clés.








À partir du même graphique, on peut accéder au River of News et ouvrir bon nombre de catégories












L'image de gauche montre comment il est possible d'ouvrir plusieurs fenêtres à la fois: un graphique illustrant l'évolution du nombre de billets (ligne rouge) selon des dates et heures précises ; des résultats de Twitter et enfin deux fenêtres de Conversation Cloud.




À partir du module River of News, on peut accéder à une nouvelle, à un blogue ou microblogue, à une vidéo, des commentaires, etc.













Ce qui est vraiment intéressant, dans l'image ci-contre, c'est les possibilités de catégorisation que permet Radian6 : classement, engagement, sentiment, suivi, priorité, etc.




Toutefois, ma période d'essai de sept jours (trop courte à mon goût) n'a pas été très concluante.

J'ai en effet créé un profil dans lequel j'ai inséré trois termes/mots clés principaux: université de montréal, éducation permanente et chargés de cours.

Je ne veux pas faire de peine à personne mais à moins de m'être fourvoyé dans mes manipulations de l'application (toujours possible), aucun résultat n'est apparu. Même les alertes quotidiennes m'annonçaient candidement qu'il n'y avait aucun résultat.

Il ya bien entendu la question du français qui peut poser problème. J'ai appris dernièrement qu'un grand cabinet de relations publiques de Montréal, suite à un essai de Radian6, avait eu quelques réserves sur ce plan.

Se pourrait-il aussi que personne, au moment de ma période d'essai, n'ait mentioné aucun de ces mots clés dans un blogue ou dans Twitter ? Se pourrait-il que les médias sociaux soient encore un phénomène marginal au Québec (Twitter en particulier) ? Se pourrait-il que l'application même soit davantage portée vers les États-Unis à cause de la force du nombre ?

À quelques jours avant la fin de ma période d'essai, j'ai créé un autre profil avec le nom d'une grande compagnie canadienne de vente au détail (Reitmans) en insérant comme mots-clés le nom de quelques-unes de ses grandes divisions/magasins: Penningtons et Addition-Elle ainsi que les mots-clés "Plus-size". J'ai réussi à obtenir quelques blogues financiers (dans le River of News de Radian6) mais sans plus.

Je sais par contre que la marque Addition-Elle a organisé durant l'automne 2008 un concours de mannequin taille-plus et y a incorporé une page publique de fans dans Facebook. Plusieurs blogues américains ont également parlé de ce concours.

Je ne sais pas si c'est une question de temps ou de portée (ou encore de l'utilisateur qui a fait défaut, moi en l'occurence) mais je n'ai jamais réussi à obtenir, encore dans ce cas-ci, de résultats aussi concluants que ceux qu'on pouvait constater dans la démonstration de Radian6 avec des gros noms tels que McDo ou Dell.

Néanmoins, je persiste à croire que les outils de veille de médias sociaux (tel que Radian6) deviendront de plus en plus populaires, voire même essentiels, dans un avenir très proche.

Ce genre d'outil permet d'écouter, de lire et de voir ce qui se dit à propos de votre marque ou de votre entreprise (y compris en temps réel), de mesurer la nature et la portée de ces "conversations" et éventuellement d'intervenir et d'y participer. Tout cela peut se faire par une seule personne ou mieux encore, par une équipe de veilleurs des médias sociaux.

À suivre de près.

Merci de votre lecture.

11 juin 2009

Le journaliste, le conseiller en RP et le pontife-blogueur… Ou comment les « nouveaux médias » peuvent brouiller les lignes de démarcation.

(Troisième et dernière partie)

De quelle manière les divers discours (et thèmes abordés) à travers les médias américains à propos du cas Armstrong Williams illustrent les relations entre journalisme et relations publiques ?

C’est la seconde question de recherche de Marina Vujnovic dans son article Framing Professionalism and the Ethics of Journalism and Public Relations in the New Media Environment : The Case of Armstrong Williams.

Dans une des citations reprises de l’article Spinning Frenzy: P.R.'s Bad Press, l’affaire Armstrong Williams est présentée comme un exemple d’une relation étroite entre commanditaire et commentateur. Cette relation étroite viole l’esprit et la lettre de la tradition journalistique en matière de conflit d’intérêt et de divulgation. Par ailleurs, on identifie généralement les relations publiques comme une pratique professionnelle dont le but avoué consiste à transmettre (voir à plaider) un message au nom d’une personne ou d’une organisation et cela, en toute transparence. Cette notion de transparence devient la clé maîtresse puisque le public devrait savoir d’où vient l’information…

Journalisme et relations publiques feraient donc face à deux problèmes mutuels. Le premier vise à atteindre un grand auditoire tandis que le second, un peu plus compliqué, consiste à pouvoir différencier un reportage journalistique d’une activité de relations publiques et surtout, de les différencier d’une activité de propagande ou de fausse plaidoirie (false advocating).

D'autre part, Williams s’est aussi défendu en soulignant qu’il croyait fermement au programme No Child Left Behind du gouvernement américain. S’il y croyait tant, on peut se demander alors pourquoi le gouvernement américain (par l’entremise d’un cabinet de relations publiques) lui aurait versé près d’un quart de million de dollars pour prêcher la bonne nouvelle ? N’avait-il pas déjà un allié en Williams ? Cette somme n’aurait-elle pas pu servir plutôt à d’autres types d’activités ? Par exemple des séances d’informations ou des rencontres auprès de journalistes qui eux doutaient du bien-fondé du programme ou qui s’y opposaient ? C’est probablement la crédibilité de Williams (à titre de journaliste), l’auditoire qu’il rejoignait et bien entendu, ses vues conservatrices qui ont incité le gouvernement à faire appel à ses «services».

Par ailleurs, selon Vujnovic, ce qui a endommagé la réputation des relations publiques à travers ce cas n’est pas tant le manque de transparence de la firme Ketchum mais surtout son refus de répondre aux questions des journalistes…

Analyse des discours

Le ton employé à travers tous les articles analysés demeure très critique. On l’identifie par le biais de mots-clés et de métaphores utilisés pour décrire les deux professions. L’article du NYT All the President’s Newsmen du chroniqueur Frank Rich en est une très bonne représentation. On y retrouve quelques perles comme celles-ci :

[…]

« But perhaps the most fascinating Williams TV appearance took place in December 2003, the same month that he was first contracted by the government to receive his payoffs. At a time when no one in television news could get an interview with Dick Cheney, Mr. Williams, of all "journalists," was rewarded with an extended sit-down with the vice president for the Sinclair Broadcast Group, a nationwide owner of local stations affiliated with all the major networks. In that chat, Mr. Cheney criticized the press for its coverage of Halliburton and denounced "cheap shot journalism" in which "the press portray themselves as objective observers of the passing scene, when they obviously are not objective."

This is a scenario out of "The Manchurian Candidate." Here we find Mr. Cheney criticizing the press for a sin his own government was at that same moment signing up Mr. Williams to commit. The interview is broadcast by the same company that would later order its ABC affiliates to ban Ted Koppel's "Nightline" recitation of American casualties in Iraq and then propose showing an anti-Kerry documentary, "Stolen Honor," under the rubric of "news" in prime time just before Election Day. (After fierce criticism, Sinclair retreated from that plan.)

Thus the Williams interview with the vice president, implicitly presented as an example of the kind of "objective" news Mr. Cheney endorses, was in reality a completely subjective, bought-and-paid-for fake news event for a broadcast company that barely bothers to fake objectivity and both of whose chief executives were major contributors to the Bush-Cheney campaign. The Soviets couldn't have constructed a more ingenious or insidious plot to bamboozle the citizenry. »

[…]

" So far two Government Accountability Office investigations have found that these Orwellian stunts violated federal law that prohibits "covert propaganda" purchased with taxpayers' money. But the Williams case is the first one in which a well-known talking head has been recruited as the public face for the fake news instead of bogus correspondents (recruited from p.r. companies) with generic eyewitness-news team names like Karen Ryan and Mike Morris. »

L’analyse critique du discours identifie deux catégories de mots, négatifs et positifs. On obtient une bonne idée de la première catégorie par le biais du texte de Frank Rich.

Cependant, des mots plus positifs ont été utilisés pour décrire ce que le public devrait comprendre des deux professions : éthique, transparence, responsabilité, intégrité, objectivité, confiance du public, honnêteté et divulgation. Dans cette optique, les relations entre journalisme et relations publiques se trouvent davantage entrelacées. Ce n’est pas ce qu’on a eu l’habitude de lire dans les textes habituels traitant des deux professions et de leur relation. (Voir par exemple, l’étude suivante : Journalists’ hostility toward public relations: an historical analysis).

Si les deux professions déclarent fréquemment servir l’intérêt du public avec intégrité, ce qui démarque nettement les relations publiques du journalisme se situerait au plan du
plaidoyer ou de la défense (advocacy) au nom (en faveur de et/ou au profit) de quelqu’un, d’une organisation et/ou de ses idées ou enjeux et cela, en toute transparence. Selon Vujnovic, cet aspect des relations publiques irait à l’encontre des normes journalistiques… à quelques exceptions près dont le commentaire qui devrait toujours être accompagné d’une divulgation. (Revoir la citation de Michelle Blanc à ce propos dans la seconde partie de ce billet/8 juin 2009).

L’analyse critique des articles et commentaires sur le cas Armstrong Williams démontre aussi qu’une série de questions éthiques ont été posées. De plus, la question de la transparence demeure un des points saillants de tous les articles. On la relie au professionnalisme à la fois en journalisme et en relations publiques.

Les thèmes soulevés (les considérations déontologiques ou éthiques, la concentration au plan des affaires, la commandite non divulguée, le silence, etc.) tentent de démontrer que ce qui est mauvais pour le journalisme l’est tout autant pour les relations publiques et ce qui est bon pour les relations publiques l’est tout autant pour le journalisme, et vice-versa.

Ce constat s’oppose par exemple aux analyses de Lee Salter (2005) pour qui les relations publiques profitent amplement du journalisme alors que ce dernier ne profite jamais des relations publiques… Salter souhaite aussi que les deux professions (ou disciplines) ne soient plus chapeautées au sein d’un même département de communication (pratique courante dans les universités nord-américaines).

Selon Vujnovic, les prises de position de Salter sont basées sur sa méconnaissance de la pratique des relations publiques et de sa tendance à idéaliser le journalisme. Les journalistes, selon la vision manichéenne de Salter, sont de « bons samaritains » au service du public alors que les praticiens des relations publiques sont des laquais au service du capitalisme…

Salter semble ignorer les grands bouleversements des vingt dernières années dans les médias (concentration, convergence, processus de production et globalisation). De plus, et comme plusieurs autres d’ailleurs, il aurait cette tendance marquée de bien sélectionner certains domaines controversés où les relations publiques interviennent dans le but de... mieux les dénoncer (industrie nucléaire, industrie du tabac, OGM, pharmaceutique, etc.). On s’en prend plus rarement à ceux qui font des relations publiques pour Greenpeace, Médecins sans frontières ou Amnistie internationale…

Par ailleurs, le professeur australien Ian Richards a déjà démontré que les grands bouleversements du monde des médias et des communications influencent la pratique journalistique. D’un point de vue éthique, il semblerait qu’une mutation soit à l’œuvre chez les journalistes. Leur responsabilité professionnelle serait transformée, voire redéfinie, en partie par les organisations qui les emploient. Il s’agit donc d’une tendance qui ressemble, une fois de plus, à celle des praticiens en relations publiques. Dans cette optique, les considérations éthiques, telle que la transparence, deviennent une problématique commune. L’affaire Armstrong Williams, selon Vujnovic, est un exemple illustrant que les deux professions se trouvent à une époque de grande transformation.

Et les blogueurs dans tout cela ?

L’article de Marie-Andrée Chouinard, Médias-Le poids du blogue, paru dans Le Devoir du 30 octobre 2008, au sujet des conservateurs ouvrant leur porte aux blogueurs en dit assez long sur la perception des journalistes. En voici quelques extraits :

[…]

« Mais à ce cirque de l'information déjà joyeusement compliqué, viendrons-nous ajouter l'emberlificoteur blogueur? Blogueur qui, faut-il le dire, se présente sous divers visages: aux côtés de celui qui pratique le blogue journalistique en utilisant Internet comme un média, comme il écrirait dans un journal, il y a celui qui fait de la chronique, puis celui qui s'adonne à l'impressionnisme partisan en affichant son inclinaison -- les Blogging Tories, par exemple. Mais il y a l'autre, plus pernicieux, qui se livre en répondant à des intérêts qu'il ne confie pas!

Le blogueur contribue assurément à la démocratisation du débat en discourant sur le Web. Mais de là à ce qu'on l'installe aux côtés de la presse, cette vigie sociale, ce contrepoids politique, cette raisonneuse des événements qui tente d'offrir sa compréhension des affaires publiques, n'y a-t-il pas là un faux pas qui mérite qu'on s'y attarde?

[…]

Qu'on ne s'y trompe pas: en posant la question qui a longtemps hanté Jean-René Dufort -- qu'est-ce qu'un journaliste, au juste? --, c'est bel et bien au public que l'on pense. Les blogues sont là pour le rester, comme en témoigne leur foisonnement lors de la dernière campagne électorale. Mais l'enchevêtrement démesuré des genres, déjà à la mode dans l'univers des médias, dessert au bout du compte le citoyen. »

Le « pernicieux qui se livre à des intérêts qu’il ne confie pas » qu’il soit un journaliste d’un média « mainstream » ou web monolithique, un conseiller en relations publiques, un blogueur (quel qu’en soit le genre) court à sa perte. Il me semble que c’est là la leçon qu’il faudra retenir de tout ceci.

Mais à la lumière des grandes transformations du monde des médias et des communications, et considérant la recherche et le besoin d’authenticité (voire de transparence) des publics, verra-t-on des « relationnistes » devenir un jour de véritables journalistes (i.e. travaillant pour un média établi) tout comme bon nombre de ces derniers sont devenus relationnistes à mi-carrière ? Verra-t-on des blogueurs se transformer en praticiens des relations publiques ou encore en journaliste ? Verra-ton des journalistes et des relationnistes devenir des blogueurs indépendants et gagner honorablement leur vie comme tant d’autres ?

Parions que toutes ces transformations et mutations se produisent déjà. La clé de leur réussite, peu importe l’activité, résidera dans la transparence.

Comme le mentionnent Shel Holtz et John C. Havens dans leur livre Tactical Transparency (Jossey-Bass/IABC), la transparence n'est pas une option. Elle est aujourd'hui une responsabilité, voire une obligation, légale, morale et compétitive. Bien entendu, il y aura toujours des facteurs et des contextes qui exigeront que des informations ne soient pas divulguées, demeurent secrètes ou confidentielles (droit, médecine, affaires, gouvernement, journalisme, relations publiques, entre autres activités).

Cependant, l'opacité fait encourir de réel dangers à tous ceux qui en prendront la voie.

Merci de votre lecture

8 juin 2009

Le journaliste, le conseiller en RP et le pontife-blogueur… Ou comment les « nouveaux médias » peuvent brouiller les lignes de démarcation.

(Deuxième partie)

Comment les médias traditionnels américains (mainstream) ont-ils présenté leurs discours sur la professionnalisation journalistique et la professionnalisation des relations publiques, à travers le cas Armstrong Williams ?

L’affaire Williams est-elle présentée comme une violation de la profession journalistique ou une violation de la profession en relations publiques ?

C’est la première question de recherche de Marina Vujnovic dans son article Framing Professionalism and the Ethics of Journalism and Public Relations in the New Media Environment : The Case of Armstrong Williams.

L’auteure reprend certains cadres ou thèmes de références (framing devices) empruntés de Gamson et Modigliani pour étayer son article. Grosso modo, ce sont des méthodes d’analyse critique du discours (voire des typologies) servant à démontrer comment (à partir d’une nouvelle, d’une histoire, d’un récit ou d’un article, etc., on définit, explique, « positionne » ou raconte un enjeu controversé. Diverses typologies incluent des métaphores, des images, des représentations, des mots accrocheurs, des exemples, etc.

Considérations déontologiques

Tous les articles analysés du New York Times (NYT) ainsi que les commentaires glanés dans PR Week auraient mis l’accent sur des questions déontologiques que l’affaire Armstrong a suscitées à la fois en journalisme et en relations publiques. Les textes analysés indiquent que les considérations déontologiques, chez les deux professions, comportent des problèmes de définition. Malheureusement, Vujnovic ne développe pas cette perspective déontologique se rapportant à l’une et à l’autre des professions.

Pour y voir plus clair, il faudrait comparer, par exemple, les divers codes de déontologie des associations professionnelles. En quoi sont-ils différents ? Quelles sont les similitudes, le cas échéant ?

En voici quatre, deux en journalisme et les deux autres en relations publiques :

Le Code de déontologie de la Société canadienne des relations publiques et de la Société québécoise des professionnels en relations publiques;

Le Guide de déontologie des journalistes du Québec (Fédération professionnelle des journalistes du Québec-FPJQ);

Le Code of Ethics de la Society of Professional Journalists (USA);

Le « Code of Ethics » de la Public Relations Society of America (USA).

Au Québec (et en France), on fait une distinction entre éthique et déontologie, au plan professionnel. Curieusement, on ne semble pas retrouver cette distinction du côté américain; pourtant le mot deontology existe. Le Robert & Collins indique professional code of ethics pour traduire le mot déontologie.

Pour ceux que cela intéresse, voici une courte explication entre éthique et déontologie (pdf/ résumé d’une page). Cette explication s’insère dans un document intitulé Ethique ou déontologie : quelles différences pour quelles conséquences managériales ? L’analyse comparative de 30 codes d’éthique et de déontologie. (Henri Isaac et Samuel Mercier).

La blogueuse (et spécialiste en marketing Internet) Michelle Blanc, dans un billet courtois mais un peu narquois s’est penché sur quelques articles du code de la FPJQ (dont celui sur les conflits d’intérêts). On y retrouve plusieurs commentaires pertinents. De plus, elle souligne que la transparence devrait prévaloir en toute circonstance :

[…] Quoi qu’il en soit, un blogueur qui se respecte déclare toujours en ouverture de billet ses conflits d’intérêts. Je le fais systématiquement et je suis consciente qu’il y en a souvent. Je ne me souviens cependant pas d’avoir lu ou entendu un journaliste déclarer les siens. […]

Quant à la « bataille de tarte à la crème » que se livraient encore blogueurs et journalistes, Bruno Boutot a eu plusieurs choses intéressantes à dire ce sur cette question en 2008.

On sait que Williams s’est défendu en disant qu’il n’était pas journaliste mais un commentateur ou pontife (pundit). Donc, aucun code de déontologie journalistique ne s’appliquerait dans son cas… Cependant, plusieurs considèrent que Williams faisait partie de l’élite médiatique américaine (à cause de son travail de columnist en syndication); les normes déontologiques devraient donc s’appliquer dans son cas. C’est un peu plus tard qu’il fera son mea culpa :

After the USA Today revelations, Tribune Media Services terminated its syndication agreement with Williams. In a statement to Editor and Publisher (not available on its website), TMS stated: "[A]ccepting compensation in any form from an entity that serves as a subject of his weekly newspaper columns creates, at the very least, the appearance of a conflict of interest. Under these circumstances, readers may well ask themselves if the views expressed in his columns are his own, or whether they have been purchased by a third party".[6] Williams told the Associated Press "even though I'm not a journalist — I'm a commentator — I feel I should be held to the media ethics standard. My judgment was not the best. I wouldn't do it again, and I learned from it."[7]

Source : http://www.answers.com/topic/william-armstrong

Rôles embrouillés à cause des phénomènes de concentration et de consolidation?

Tous les articles et commentaires analysés font référence aux rôles de chacune des professions en regard des bouleversements d’affaires : dans le monde des médias (concentration, convergence des médias, dérèglementation gouvernementale, évolution de l’Internet, entre autres); mais également dans le monde des relations publiques dont la majorité des grandes firmes ou cabinets appartiennent également à des grands groupes tels que Worldcom ou WPP.

Ce thème fait état de problèmes dans la définition des professions quant à ce qu’un journaliste devrait faire et quant à ce qu’un conseiller en relations publiques devrait faire aussi, au plan des défis posés par ces bouleversements. Ce second thème est présenté en début de texte et au travers son corps principal.

Les fusions et/ou la consolidation de l’industrie des relations publiques des vingt dernières années combinées à celle des médias (notamment leur concentration aux mains de quelques grands groupes) est un autre thème indiquant des problèmes de diversité et de rareté : en matière de messages et au plan des stratégies de communication.

Ce thème suggère aussi que journalisme et relations publiques (à titre d’acteurs sociaux importants) sont mis au défi en matière de vérité, d’objectivité, de crédibilité et de transparence. Si les deux professions se perçoivent comme étant au service du public (quoique de différente façon) comment y parviennent-elles ?

Les textes « commandités » : pratique habituelle ou incident de parcours ?

Ce thème suggère que les textes « commandités » sont une pratique plus courante qu’on ne le pense, du moins auprès du grand public. La cas Armstrong Williams est traité comme étant une maladie symptomatique des deux professions (ndr : et non seulement propre aux relations publiques). Ce thème implique aussi que le gouvernement américain utilise des cabinets de relations publiques mais aussi des journalistes à des fins de propagande. Cependant, cette pratique violerait, selon le NYT, la loi fédérale américaine.

Dans cette optique, mais dans le monde de la télévision, le Center for Media & Democracy (PR Watch) a livré toute une bataille sur l’enjeu des fausses nouvelles (Fake News).

Le silence est toujours dommageable

Selon Vujnovic, il s’agit d’un thème récurrent à travers tous les textes analysés et particulièrement en regard du silence de l’industrie américaine des relations publiques à la suite du cas Armstrong Williams. On critique ce silence (et celui de Ketchum en particulier) dans une perspective de gestion de crise manquée; un silence dommageable pour la compréhension du public quant à l’éthique des relations publiques.

La seconde sous-question : L’affaire Williams est-elle présentée comme une violation de la profession journalistique ou une violation de la profession en relations publiques ?

Dans l’article du New York Times Spinning Frenzy : PR’s Bad Press, on dépeint Armstrong comme un professionnel-difficile-à-définir (et un Multimedia Wonder), i.e. ni un journaliste ni un professionnel des relations publiques. Dans cette optique, le NYT souligne aussi qu’Armstrong a violé les codes déontologiques les plus élémentaires des deux professions.

Un second article du NYT, Third Journalist Was Paid to Promote Bush policies, dépeint la violation du professionnalisme journalistique de deux façons : en matière de conflit d’intérêt et en matière de confusion des genres entre le journalisme, le commentaire et la consultation.

D’ailleurs, un fonctionnaire américain, Wade Horn, fait la remarque suivante :

''Thirty years ago, if you were a columnist, you were employed full time by a newspaper most likely, and it was very clear,'' he said. ''With the explosion of media outfits today, there are a lot of people who wear a lot of hats. Where's the line? What if you have your own blog? Are you a journalist?''

L’auteur Vojnovic note l’utilisation ainsi que la faiblesse de l’argument du conflit d’intérêt et de la confusion des genres puisque ce sont avant tout la divulgation et la transparence qui devraient guider toute décision professionnelle, particulièrement en relations publiques.

Du côté des relations publiques, PR Week, dans un article intitulé PR Transparency-Industry Reforms in Wake of Doe Scandal Inconclusive (ndr : introuvable dans le Web) écrit que l’affaire Armstrong Williams/Ketchum est la la goutte d'eau qui fait déborder le vase (the straw that broke the camel’s back).

Williams a violé la profession journalistique parce qu’il n’a pas divulgué au public que ses interventions étaient commanditées par le gouvernement américain; il a violé la profession de consultant en relations publiques puisque en s’identifiant lui-même (et un peu plus tard) comme propriétaire d’un cabinet de relations publiques, il brouille les lignes de démarcation entre journalisme, relations publiques, plaidoirie partisane (advocacy) et propagande primaire. (PR Week, 17 octobre 2005).

Voir aussi: The Emperor Doesn't Disclose: Why the Fight Against Fake News Continues (PR Watch)

Suite et fin dans le prochain billet…

1 juin 2009

Le journaliste, le conseiller en RP et le pontife-blogueur… Ou comment les « nouveaux médias » peuvent brouiller les lignes de démarcation.

(Première partie)

L’idée de ce billet me vient de ma lecture récente d’un article de recherche de Marina Vujnovic paru dans le Journal of New Communications Research (Vol. II, Issue 2) de l’hiver 2008.

Intitulé Framing Professionalism and the Ethics of Journalism and Public Relations in the New Media Environment : The Case of Armstrong Williams, l’article de recherche retrace les paramètres encadrant le discours universitaire à propos de la professionnalisation et de l’éthique en journalisme et en relations publiques.

Comme point de départ, Vujnovic revient sur le cas Armstrong Williams (2005), un journaliste américain dont les articles et interventions télévisées paraissent dans plusieurs médias du pays (i.e. un syndicated journalist). Connu pour ses positions conservatrices, Williams reçoit clandestinement quelques centaines de milliers de dollars (240k plus précisément par le biais de la firme Ketchum Public Relations) pour parler favorablement du programme No Child Left Behind du gouvernement américain.

Découvert en premier par un journaliste du USA Today, Williams passe au tordeur dans le New York Times ( à quelques reprises) et dans plusieurs médias web monolithiques dont le Daily Kos.

Du côté des relations publiques, les réactions semblent plutôt timides…même celles de Richard Edelman dont la soudaine vertu sera mise au rancart plusieurs mois plus tard, avec le faux blogue Wal-Marting Across America.

Selon Vujnovic, le cas Williams illustre le brouillage grandissant entre les deux professions, rendu possible par les nouveaux médias, entre autres. Cependant, l’auteur souligne que Williams s’est servi des nouveaux médias pour agir à titre d’agent de propagande et non à titre de journaliste ni de conseiller en relations publiques…Williams aurait ainsi violé non seulement l’éthique journalistique mais également celle des relations publiques (au plan de la divulgation, entre autres).

L’auteur rappelle aussi qu’aucune société ne semble immunisée contre la corruption journalistique et mentionne les travaux de Dean Kruckeberg et Katerina Tsetsura avec leur Global Media Corruption Index.

Les deux questions centrales posées par l’article de Vujnovic sont celles-ci :

1) Comment les médias traditionnels américains (mainstream) ont-ils présenté leurs discours sur la professionnalisation journalistique et la professionnalisation des relations publiques, à travers le cas Armstrong Williams ? L’affaire Williams est-elle présentée comme une violation de la profession journalistique ou une violation de la profession en relations publiques ?

2) De quelle manière ces discours illustrent-ils les relations entre journalisme et relations publiques ?

Seconde partie : la semaine prochaine ! Merci de votre attention.

Patrice Leroux

 
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