10 septembre 2010

Langue écrite: des taux d'échecs alarmants



Je suis très inquiet.

Le nombre de candidats refusés pour cause d'échec au test de français écrit (exigence d'admissibilité fondamentale dans tous nos programmes de communication) augmente de façon très significative depuis quelques années.

En cette année 2010 (admissions d'automne), nous avons battu tous les records en matière de refus. Par exemple, en communication appliquée, sur les 27 candidats qui ont subi ce test à l'une de nos séances (17 juin), 14 l'ont échoué; en relations publiques, sur 13 candidats, huit l'ont échoué.

La situation est à ce point critique que la Faculté a dû annuler un cours obligatoire en relations publiques cet automne, faute d'inscriptions suffisantes. Une première depuis que je suis en poste.
Quelques statistiques pour comparer 2010 et 2009


Les résultats au test d'admission en français pour l'automne 2010 révèlent les taux d'échecs suivants (nouveaux candidats seulement):


Communication appliqué (116 candidats)
54,3% d'échecs


Publicité (133 candidats)
24,8% d'échecs
Le taux d'échec en publicité concerne les candidats ayant obtenu moins de 40% au test. Le seuil d'admissibilité n'est pas le même que celui des autres programmes, établi à 50%.


Rédaction (35 candidats)
22,9% d'échecs


Relations publiques (75 candidats)
45,3% d'échecs


Les résultats au test d'admission en français pour l'automne 2009 révèlent les taux d'échecs suivants (nouveaux candidats seulement):


Communication appliquée (99 candidats)
30,3% d'échecs

Publicité (149 candidats)
20,1% d'échecs
Le taux d'échec en publicité concerne les candidats ayant obtenu moins de 40% au test. Le seuil d'admissibilité n'est pas le même que celui des autres programmes, établi à 50%.

Rédaction (37 candidats)
21,6% d'échecs

Relations publiques (71 candidats)
33,8% d'échecs

Petite histoire de l'exigence d'admissibilité liée au français écrit


Il faut savoir que quand je suis devenu le responsable des programmes du Certificat de relations publiques et du Certificat en communication appliquée, les milieux professionnels jugeaient que le seuil d'admissibilité de 40% était trop bas...

Pourquoi ne pas arrimer ce seuil à celui, plus symbolique, de 50% comme le font les programmes de journalisme, de rédaction et de traduction ?  Peut-on sérieusement donner des cours (et éventuellement octroyer un diplôme de certificat) à des gens qui ne maîtrisent pas bien la langue écrite ? Ces gens pourraient-ils vraiment travailler en communication avec des lacunes aussi prononcées ?

J'ai finalement donné raison aux milieux professionnels et augmenté ce seuil à 50% à partir de 2002-2003 (après avoir réussi à convaincre la direction de la Faculté pour qui la notion d'accessibilité était au moins presque aussi importante que celle de la qualité...).

Les candidats qui  obtenaient une note située entre 50% et 64% devaient toujours faire un cours d'appoint en français écrit, tandis que ceux qui obtenaient moins de 50% étaient refusés. 

Auparavant, les candidats qui obtenaient entre 40% et 49% étaient admis mais devaient faire deux cours de mise à niveau en français écrit. Cela retardait certes la diplomation des étudiants, mais surtout, les chargés de cours remarquaient que malgré ces deux cours d'appoint, plusieurs étudiants n'arrivaient pas à mieux maîtriser l'écrit. La "rouille était trop épaisse" comme le disait Lorraine Camerlain, devenue depuis directrice du Centre de communication écrite à l'UdeM. Augmenter le seuil d'admissibilité à 50% apparaissait comme étant une voie raisonnable et juste. Juste envers les candidats et juste envers les milieux professionnels qui s'attendent à une bonne maîtrise de la langue écrite chez nos diplômés.

Oui, on allait perdre des candidats, oui certains cours ne seraient plus "dédoublés" comme auparavant mais au moins, on aurait des étudiants plus forts sur le plan de la langue écrite ; la notoriété du programme augmenterait à moyen et à plus long terme.  On pouvait quand même compter sur une masse critique d'étudiants et assurer la pérennité du programme.

Or, voilà qu'aujourd'hui cette masse critique d'étudiants fond à vue d'oeil à cause des trop nombreux échecs en français écrit des dernières années. Qu'arrivera-t-il quand les jeunes de la "Réforme" arriveront en 2012 ? À tort ou à raison, on craint le pire...

Que faire ? Quelques hypothèses et pistes de solution.


Alléger le test ?

Notre test est-il trop difficile ? Faudrait-il "l'alléger". Il semble bien que ce test ait été validé et mesure véritablement les connaissances et le niveau de maîtrise de la langue écrite des candidats dans une perspective d'études en communication.

Comment alors expliquer les nombreux échecs chez des candidats qui ont réussi l'épreuve uniforme de français au collégial ? Dans certains cercles, on entend parfois dire que ce test pourrait s'adresser à des élèves d'un autre niveau...


MAJ: J'ai trouvé cet article d'Ariane Lacoursière, paru en novembre 2009, à propos de l'examen de français du collégial...



Réduire la note de passage ?


Réduire à 40% marquerait un retour en arrière gênant et enverrait un très mauvais signal aux milieux professionnels mais également aux étudiants. Cette piste n'est pas envisageable même si on se rend bien compte que le différentiel de 10% (par rapport au seuil de 40% du Certificat de publicité) fait exploser les refus en communication appliquée et en relations publiques.


Offrir des séances de préparation au test ?


La faculté pourrait en effet offrir (moyennant des frais) des séances de préparation à l'examen (avec un autotest en début de séance par exemple); les candidats sauraient mieux à quoi s'attendre pour la suite.


Fermer les programmes ?


Solution des plus radicales s'il en est une. Ce n'est pourtant pas l'intérêt qui manque puisque la Faculté a traité, en 2010, 399 demandes d'admission en communication appliquée et 350 en relations publiques. Il y a certes beaucoup de désistements (on se désiste parce qu'on a été accepté dans un autre programme (en général un programme régulier de jour) ou parce qu'on a "oublié" de se présenter au test.  La fermeture des programmes ne rendrait pas service à personne mais au rythme où vont les choses, les études à  plein temps (au moins quatre cours par trimestre) deviendraient plus difficiles.

Par ailleurs, le Certificat de relations publiques accueille de plus en plus de bacheliers (près de 35%). Ce sont des candidats intéressants susceptibles d'attirer l'attention de recruteurs éventuels lorsqu'ils ajoutent le certificat à leur formation. Mais même ces derniers ne réussissent pas à atteindre la note de passage sans condition (65% et plus). La moyenne des bacheliers se situent aux alentours de 58% et parfois moins... exception faite des bacheliers en enseignement du français et ceux de littérature (ouf!). Qu'arriverait-il si on faisait passer notre test à tous les étudiants du collégial possédant une bonne cote "R" ?

Quant au Certificat en communication appliquée, dont le taux de refus atteint des proportions alarmantes en 2010 (54,3%), il est souvent considéré comme un excellent programme d'entrée universitaire. De plus, il ouvre la voie vers d'autres certificats plus spécialisés pour tous ceux qui souhaitent s'engager dans un cheminement de baccalauréat par cumul de certificats (surtout chez ceux et celles en situation de travail). Si ce programme se vide peu à peu, les autres ne se rempliront sans doute pas pour autant...


Offrir une admission conditionnelle ?


Une des pistes que l'on doit envisager consiste à offrir une admission conditionnelle à la réussite de deux cours d'appoint, dès le premier trimestre et en formule intensive. Par exemple, un étudiant qui a obtenu moins de 50% mais plus de 40% à l'examen se verrait offrir une admission à la condition de suivre (et de réussir) deux cours de grammaire (FRA1957 et FRA1958). Ces cours seraient offerts l'un après l'autre à raison de deux jours par semaine et avec un ou deux samedis. 

On commencerait donc par le FRA1957 (de septembre à la mi-octobre) puis on entamerait le FRA1958 (de novembre à la mi-décembre) pour le trimestre d'automne par exemple. 

Les étudiants qui souhaitent un régime à plein temps (quatre cours) auraient la permission de suivre un cours du bloc obligatoire (COM1500G en communication appliquée et REP1000 en relations publiques) ainsi qu'un cours des blocs 70-B à option (sans préalables). 

Cette admission conditionnelle ferait l'objet d'un contrat entre l'étudiant et la Faculté. Par exemple, l'annulation ou l'abandon d'un des cours d'appoint entraînerait l'annulation ou l'abandon automatique de tous les autres. Avec une telle offre conditionnelle, la faculté serait sans doute en mesure de récupérer une bonne partie des candidats refusés; il s'agirait aussi probablement des plus motivés.

Certains y verront peut-être un retour en arrière déguisé en une nouvelle formule.

Serons-nous davantage en mesure de pallier aux lacunes des étudiants ? Avons-nous raison de couper net tout espoir d'études en communication à bon nombre de personnes à cause des faiblesses de l'écrit ? 

À quoi bon blâmer les autres niveaux  (primaire, secondaire, collégial) et clamer tout haut qu'il s'agit d'un "problème de société" ! Ne faudrait-il pas plutôt les aider et les encadrer du mieux que nous le pouvons ? 

Augmentons-nous la masse critique des étudiants pour nous assurer des charges de cours ? L'augmente-t-on pour assurer que les étudiants les plus forts puissent poursuivre leurs études grâce à la "subvention" des plus faibles ?

Voici autant de questions épineuses pour un problème qui l'est tout autant !

Qu'en pensez-vous ?

Merci de votre lecture.

PL

1 commentaire:

C a dit…

Bonjour M. Leroux,

vos préoccupations en terme de qualité de la langue me touchent beaucoup. J'ai fait la moitié du programme de RP à l'UdeM et je dois avouer que pour une bachelière en enseignement... il est tout autant aberrant pour moi de voir ces étudiants si peu outillés en français dans un programme de communication que dans un programme d'enseignement. Ce sont 2 domaines où la qualité de la langue est à mon avis... primordiale ! C'est une question de professionnalisme.

Ma réflexion est... valorisons-nous bien le français dans la société québécoise de nos jours ? J'y pense encore... Je pense qu'on a quand même bien progressé, il ne faut pas l'oublier.

J'aime bien comment vous abordez le problème. Si vous voulez mon avis, la séance de préparation serait, à court terme, la plus logique. Quand on sait à quoi s'entendre, on peut alors mieux juger de l'effort qu'on aura à y mettre et ainsi peser les pour/contre.

Merci beaucoup pour ce beau billet !

Catherine Cardinal

 
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