30 juin 2012

Apprendre et enseigner autrement



Des quatre étapes du modèle d'intégration des technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (TICE) proposé par la mission parlementaire Fourgous, la quatrième et dernière étape - celle de la création ou co-création- demeure la plus sensible à réaliser pleinement (j'y reviens plus loin).

Pour accéder plus rapidement au livret et au rapport complet, c'est ici.

En effet, les modèles scolaires historiques - voire pédagogiques - , en France ou au Québec, sont demeurés bien conservateurs (transmission de connaissances et pédagogie frontale ou magistrale). Selon le rapport exhaustif du député français Jean-Michel Fourgous, l'École 
(et j'ajouterais même les études supérieures) se trouvent "à contre-sens des valeurs et des compétences attendues de nos sociétés contemporaines"... et numériques. 

Quelles sont ces valeurs et compétences ? Le travail collaboratif, l'adaptabilité et la créativité (innovation), entre autres,  qui exigent elles-mêmes de la motivation, de la confiance et de l'optimisme pour les déployer. Or, on se rend bien compte aujourd'hui que l'École (et l'Université) sont pour plusieurs, des sources de malaise et d'insatisfaction profondes. 

Décrochage et abandon inacceptables

Manque d'intérêt et de confiance, intimidation (au primaire et au secondaire surtout), et résultats très moyens concourent à des taux d'abandon et de décrochage inacceptables non seulement au secondaire mais aussi à l'Université, comme l'a souligné récemment le journaliste Henry Aubin (ici). 

MÀJ: Comme l'article de H. Aubin ne semble plus disponible, voici un commentaire à propos de cet article (ici) tandis que les Indicateurs de l'éducation 2011 du MELS se trouvent ici (pdf).

Aux USA, le problème est sensiblement le même selon cet article du Atlantic.

Si vous appréciez les comparaisons internationales, les Résultats 2009 du PISA (Programme for International Student Assessment) sont ici.


Parmi les solutions que propose le rapport Fourgous, retenons celle, centrale, de faire du numérique " le levier majeur de l'évolution des pratiques pédagogiques et de la réussite scolaire". Quel est, par exemple, l'intérêt de transmettre des savoirs "cannés" ou formatés en PowerPoint dans une société "où la quantité de connaissances double tous les deux ans" et où l'information est disponible de façon continue pour tous (ou presque) ? 

Aujourd'hui, l'enseignant, quel que soit son niveau d'intervention, doit également pouvoir transmettre des "méta-connaissances" à l'apprenant. Comment, en effet, enseigner des méthodes permettant de "passer du foisonnement d'informations trouvées sur le web à la connaissance"? Comment former à l'esprit critique et d'analyse, à la prise de décision, au travail de synthèse, à la collaboration et à l'innovation ? 

Pour acquérir ces compétences pour le moins complexes, il y a des savoir-être à développer:  autonomie, confiance en soi, empathie, responsabilisation et respect, entre autres.  

Par quel moyen les développer ?  En mettant l'apprenant au centre de son propre apprentissage; en le rendant tout à la fois acteur, producteur et créateur de contenus. 

Cela exige, bien entendu, un sérieux changement de paradigme chez les enseignants et un soutien particulier auprès d'eux. 

Échanger pour apprendre

La génération C (communiquer, collaborer, créer) est celle des moins de 20 ans en 2012. Hyper-connectée, "elle a besoin d'échanger pour apprendre". Cependant, on se rend de plus en plus compte que même chez les 30, 40 ou 50 ans et plus, la mise en réseau, le partage et la collaboration (en milieu professionnel) donnent d'excellents résultats (et permettent l'innovation).


En formation scolaire, l'impact positif de l'utilisation des outils numériques se réalise uniquement lorsque l'enseignant "quitte ses pratiques pédagogiques traditionnelles [...] pour des méthodes plus actives".

Lorsque les élèves - et j'oserais ajouter les adultes - sont actifs durant une formation (en présentiel et/ou à distance (grâce au principe du anywhere, any time, any device), ils deviennent également plus intéressés et motivés; les échanges sont plus nombreux et les progrès plus importants et rapides. Voir à ce sujet une étude française comparative assez récente (2011) en milieu scolaire (secondaire) ici (pdf). 

Bien entendu, l'enseignant doit être en mesure de susciter la participation active et collaborative des apprenants...Il devient aussi un guide, un conseiller ; son rôle d'animation et de leader demeure crucial. Certes, on comprend depuis plusieurs années que les impacts des TIC sont positifs dans un contexte pédagogique axé sur l'apprentissage actif. Et cet apprentissage actif peut être à la fois individualisé et collaboratif.  Les TIC ont un impact positif quant elles permettent de co-construire les connaissances. 

Toutefois, sans évolution des pratiques pédagogiques mêmes, les outils numériques n'auront que très peu d'impact sur la réussite scolaire d'une part, et la réussite professionnelle d'autre part (j'ai le regret de vous informer qu'il y a des tas d'entreprises où la collaboration et l'innovation sont quasi inexistantes, malgré la présence d'environnements numériques dernier cri...). Ici aussi, il y a des savoir-être à développer, au même titre que les jeunes d'âge scolaire !

Les environnements numériques de travail ( y compris les intranets de nouvelle génération dans l'entreprise) peuvent favoriser les apprentissages (formels, informels et même trans-disciplinaires), la formation par les pairs et les échanges. C'est le potentiel qu'offre les réseaux.

L'e-learning et même les réseaux sociaux peuvent faciliter le suivi et l'accompagnement individualisé de l'apprenant. Ils permettent aussi d'instaurer un enseignement mixte: en présentiel pour favoriser l'activité de groupe par exemple, et à distance, pour "favoriser la mémorisation et les activités individuelles".

À travers les réseaux, à la fois la classe et l'entreprise s'ouvrent au monde.  L'École mais aussi l'organisation moderne doivent permettre à tous d'apprendre à apprendre, à travailler ensemble, en échangeant, en créant et en acquérant la capacité de se former tout au long de la vie. Voir cet autre rapport intitulé Compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie.

Par ailleurs, former de jeunes élèves exige certainement des compétences différentes que pour former des adultes. Mais la base visant la nécessité d'interaction, d'action et de production, la diversité des ressources et mêmes des activités, entre autres, semble reposer sur du solide.

Espérons que le rapport ou la mission parlementaire Fourgous éveillera toutes les parties prenantes du monde de l'éducation au Québec.  Les réflexions et références qu'on y retrouve sont très riches et dépassent de très loin les quelques éléments qui m'ont incité à rédiger ce billet.

Merci de votre lecture !

Patrice Leroux

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