29 novembre 2015

Carnet de bord (portfolio) numérique

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Depuis quelques années, on entend beaucoup parler de portfolio numérique dans le cadre des études supérieures.

Le professeur Thierry Karsenti, de l'Université de Montréal, offre d'ailleurs gratuitement sa plate-forme Eduportfolio aux enseignants et apprenants de tous niveaux (pour un usage non-commercial) et ce, dans plusieurs langues. On l'utilise déjà dans plus d'une soixantaine de pays !

Comme le mot portfolio suggère une connotation rappelant davantage un aspect de type "vitrine", le mot carnet de bord demeure sans doute plus juste. 

C'est un des enseignants de mon équipe du certificat en communication appliquée, Yves Chapleau, qui suggère non seulement le mot carnet de bord mais également son implantation auprès des étudiants. D'ailleurs, un tel outil vient de s'intégrer à la plateforme d'apprentissage Studium.

En gros, le carnet de bord numérique vise une approche par compétences davantage que par objectifs d’apprentissage ou par cours. 

Il cible donc l’autonomie de l’étudiant incité à réfléchir à la suite de certaines actions pédagogiques. Ces dernières peuvent être enrichies par des « artefacts » de toutes sortes : travaux universitaires, participation à des conférences, présentations spéciales lors de colloques et même d'expériences d’ordre professionnel, entre autres. 

Toutefois, ces traces doivent pouvoir s’appuyer sur un référentiel de compétences ou encore sur des objectifs plus transversaux retrouvés dans l’ensemble d’un programme d’étude. Par exemple il pourrait s’agir de compétences en communication écrite et orale. 

Outre la collection de ces artefacts, l’étudiant doit donc réfléchir sur ses actions et surtout sur sa progression. C'est donc un espace qui lui appartient contrairement à une plate-forme d'apprentissage numérique qui incombe davantage à l'enseignant.

Il ne faut pas confondre le carnet de bord avec l'empreinte numérique au sens classique du terme (présence dans les médias sociaux) quoique ce carnet pourrait en faire partie.

Du savoir-faire au savoir-devenir

Un autre membre de mon équipe, André Laflamme, parle du carnet de bord numérique comme d'un savoir-devenir qui s'ajoute donc au savoir, au savoir-faire et au savoir-être.

Il s’agirait sûrement d’une valeur ajoutée pour un étudiant dont le seul CV entre en compétition avec des centaines d’autres. Bien qu’il s’agisse d’un espace qui appartienne d’abord à l’étudiant, ce dernier peut en rendre certains éléments publics pour faire part de ses compétences de manière plus concrètes. 

Hébergées sur un serveur de l’université et accompagnées, par exemple, d’une appréciation d’un enseignant, les compétences exposées obtiendraient davantage de crédibilité.  Il y a donc un lien intéressant à démontrer entre les milieux académique et professionnel.

Deux grands défis à l'horizon

Les enseignants doivent d'abord infléchir ce type d'orientation en fonction des compétences jugées essentielles dans un programme court de certificat (communication appliquée et relations publiques, par exemple). Par la suite, il faut trouver des façons pour stimuler l’intérêt des étudiants envers un tel outil personnel. 

On comprend aussi qu'il soit sans doute plus aisé d'offrir un tel outil dans des programmes plus spécialisés de premier cycle comme en sciences vétérinaires, en médecine dentaire ou en nutrition, mais les étudiants en communication pourraient sûrement en tirer un avantage, d'autant plus que la compétition demeure féroce dans ce domaine.

Qu'en pensez-vous ? Est-ce une piste intéressante pour nos étudiants ?

Merci de votre lecture !


Patrice Leroux

13 novembre 2015

Internet: Faut-il être parano ?

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Le "spécial techno" du magazine The Atlantic (novembre 2015) présente un article de Walter Kirn : If you're not paranoid, you're crazy

Toutes nos activités en ligne (téléphonie mobile comprise) sont-elles enregistrées quelque-part ? Les données peuvent-elles être croisées par le biais d'algorithmes sophistiqués ? Des parties tierces pourraient-elles s'en servir pour dresser notre portrait socio-démographique, nous influencer et nous manipuler ?

Romancier et écrivain, Kirn a publié Blood Will Out en 2014 où il raconte sa relation d'amitié avec l'imposteur et assassin Christian Gerhartsreiter (voir ici un article de La Presse et un dossier plus complet du L.A Times  ici). Voici un compte rendu de sa traduction française (ici).

Voilà pour le contexte assez récent de l'écrivain, lui-même victime de l'imposture. Il y a donc là matière à devenir un peu parano... 

Ici, Kirn se penche donc sur la surveillance du web et le forage de données (grandes entreprises technos et agences gouvernementales) à partir de certaines inférences jugées troublantes: recherches web (bien entendu), utilisation d'applications mobiles et de certains objets connectés tel qu'un bracelet de mise en forme (fitness trackers).  

Si les données de Google servent à nous vendre des produits et des services, que peuvent faire les gouvernements avec de telles données ?

Kirn raconte son périple du Montana, où il habite, en route vers le Centre de données de la NSA dans l'Utah. On dit que ce centre peut capter, stocker, organiser, filtrer, décrypter et analyser presque toutes formes de communication. 

Sans pouvoir révéler grand-chose, ce sont surtout les talents de narrateur de Kirn qui rendent l'histoire intéressante: sa visite au périmètre du terrain, l'absence apparente de vie humaine, l'arrivée  d'un objet non-identifié (un "hélicoptère noir" ou un drone ?) qui aurait procédé à une analyse de sa présence par balayage. Que pouvait analyser cet appareil sans doute des plus avancés ?

Son retour est marqué par l'écoute radiophonique de talk-shows apocalyptiques (un exemple ici) et surtout, d'un arrêt au Rocky Mountain Gun Show avec ses personnages habituels; sa description en demeure assez saisissante et donne froid au dos...

Deux phrases m'ont particulièrement étonné: 

"The gun show was not about weaponery, primarily, but about autonomy - construed in this case as the right to stand one's ground againt arrogant, intrusive new order whose instruments of suppression and control I'd seen for myself the night before."

[...]

" The irony was that preparing for such a fight in the only way these people knew how - by plotting their countermoves and hoarding ammo - played into the very scrutiny concerns that the overlords use to justify their snooping. The would-be combatants in this epic conflict were more closely linked, perhaps, than they appreciated."


À une époque où sont révélées des tas d'intrusions dans la vie privée des gens et même des organisations: la mise sur écoute du siège social des Nations-Unies par la NSA et AT&T (ici) la surveillance des télécommunications mobiles aux USA (ici), et bien sûr les révélations de Edward Snowden, Kirn se demande si on ne doit pas quelques excuses à certains théoriciens du complot ou autres cinglés du genre avec leurs légendes urbaines...

Y a-t-il des fantômes insoupçonnés dans nos appareils électroniques ? Doit-on au moins être plus prudent à défaut d'être complètement parano ?  La vie privée deviendrait-elle un concept archaïque comme Kirn semble le penser, surtout chez les millénaires ? La ruée vers l'auto-divulgation dans les médias sociaux ferait-elle partie d'un mécanisme de défense à cet égard ?

La paranoïa, même dans une forme sévère, n'apparaît plus comme étant un trouble, pour Kirn, mais plutôt comme un processus cognitif important. Plusieurs éléments semblent lui donner raison...

Je vous invite aussi à lire ce dossier de Michel Cartier: Une économie de la sécurité.


Merci de votre lecture !

Patrice Leroux

 
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