18 septembre 2009

La perte de contrôle sur le processus de communication (1e partie)

MÀJ: Je commence sérieusement à détester blogspot. Migration à venir...


Dans la foulée d'un billet de Serge Leclerc intitulé le Web 2.0 en 3 concepts: L'érosion du pouvoir des communicateurs, je me suis mis à la recherche d'exemples concrets tirés de lectures récentes.

Serge Leclerc évoque certains exemples récents et parfois amusants où les médias sociaux ont joué un rôle important dans la diffusion de messages et où le bouche-à-oreille à fait son oeuvre. 

Bien qu'il existe plusieurs exemples nous permettant de remettre en question le modèle de diffusion unidirectionnelle des "messages", qu'en est-il de la perte de contrôle des messages après une diffusion planifiée ou organisée (pub, campagne, concours, événement, etc) ?

Un des exemples les plus probants provient de Chris Anderson. http://longtail.typepad.com/about.html 

Dans son nouveau chapitre The Long Tail of Marketing, Anderson relate la planification d'un concours publicitaire vidéo de l'agence Campbell-Ewald pour le compte de la Chevrolet Tahoe en 2006.  

L'agence tenait à entrer dans le bal du Web 2.0 et faire quelque chose de différent un peu à l'image de la signature de Chevrolet: "An American Revolution", du user-generated-content quoi !

Il s'agissait de mettre à la disposition des internautes toutes sortes de mini-clips professionnels du gros VUS (grands espaces, canyons, routes escarpées, etc.) ainsi que de la musique que les participants pouvaient utiliser, "mixer" et amalgamer avec leurs propres scènes vidéos. Anderson évoque la "wikification" du spot de 30 secondes...

Avec son partenaire média (NBC), l'agence choisit de faire connaitre son concours par le biais d'une émission de télé populaire (The Apprentice) au cours de laquelle plusieurs commerciaux sont diffusés invitant les téléspectateurs à se rendre sur le micro site chevyapprentice.com (inactif) dans le but de créer leur propre spot (images, musique et outils de montage fournis). 


Ce concours reçoit près de 30 000 vidéos qui, pour la plupart, vantent les mérites du VUS. Mais plusieurs autres  démolissent la marque (consommation excessive d'essence, danger pour l'environnement, irresponsabilité sociale,  connotation sexuelle, etc.) Ces spots coquins, parmi les plus originaux, drôles et populaires, sont déposés dans le site chevyapprentice.com mais aussi dans YouTube et attirent des centaines de milliers de personnes.

En voici un exemple:




Plusieurs se sont demandé ce qui se passait avec toutes ces vidéos embarrassantes. GM s'en rendait-elle au moins compte ? Pourquoi ne les retirait-on pas ? 

L'industrie publicitaire (et sans doute celle des RP) en faisait ses choux gras en soulignant aux clients la preuve du  danger de mettre une marque entre les mains de tous et de n'importe qui !

Même le New York Times s'en moque plutôt gentiment tandis que le concours fait partie des Top Tech Flops de CNN (Business 2.0).


Cependant, on apprend que le micro site attire plus de 600 000 visiteurs jusqu'au moment où la vidéo gagnante est déclarée, que la moyenne des visites dure près de neuf minutes et que le tiers des visiteurs se rendent sur le site chevy.com(plus que par le biais de Google et de Yahoo réunis, durant cette même période !)

De plus, le VUS Tahoe se vend mieux que son plus proche compétiteur américain (l'Expedition de Ford) et occupe 25% du marché total des VUS durant toute cette année...

Ce serait donc à partir de ce moment-là (entre quelques autres bien sûr) que le principe doré des mass-médias voulant que par le contrôle du message on puisse aussi contrôler la perception du produit ou de la marque en prenne pour son rhume...

Comment se fait-il alors que ce concours ait si bien fonctionné malgré la popularité des spots coquins de nombreux "hackers" ?

Quelques hypothèses intéressantes : tous les acheteurs potentiels savent bien qu'il ne s'agit pas d'un véhicule à faible consommation d'essence ni de C02.

Il n'est pas impossible aussi, tel que le rappelle Anderson, qu'une part de l'attrait provienne du fait que ce type de véhicule enrage les types granolos-vert-lime-caresseurs-d'arbres de la Nouvelle-Angleterre ou du Nord-Ouest (apprécié surtout chez les red-necks du Sud profond).

Enfin, en laissant les vidéos négatifs sur son micro site (et dans YouTube) Chevy (et GM) avait l'air plutôt cool.

Ce sont donc les individus, et non plus les marketers qui imposent le dialogue et les conversations et a fortiori quand on invite les gens à contribuer aux messages.

Cette quête de l'engagement et de l'interactivité mène invariablement vers la perte de contrôle. Et pour ceux qui ont passé toute leur carrière à polir la marque, à définir les messages...la pilule est parfois difficile à avaler.

Certaines marques embarquent dans le jeu; après avoir tenté (et réussi depuis des années) de définir - par des images et des messages - l'identité même des consommateurs et du public, voilà qu'on demande à ces derniers de définir la leur.

Tout un retournement !

L'idée qu'on peut vendre un produit en laissant les autres le faire à sa place comporte des aspects pour le moins déstabilisants.Tout le monde veut se mettre maintenant à l'écoute des consommateurs.

Le résultat, selon Anderson: ils ne savent plus se taire !

Dans le cas de vidéos non sollicités (contrairement au concours de la Tahoe de Chevrolet) on retrouve par exemple ce classique vantant les mérites d'une Volks.


Il semble bien que cela ne dérange pas trop le fabricant ! Ce qui est certain par contre, c'est qu'on ne verrait jamais ce spot dans un mass-média.

C'est ce qu'Anderson nomme la Longue Traîne de la consommation. La fragmentation des marchés forcent la fragmentation du marketing.

La campagne internationale avec son message et son image uniques diffusée dans les mass-médias n'influence plus les consommateurs comme avant.

Comment dans ce cas influencer et vendre aux consommateurs de la longue traîne ? Qui a les budgets pour cibler tels types de consommateurs, telle niche, telle communauté spécifique?

À l'ère des médias sociaux, plus rien ne bat l'influence des pairs et le plus grand amplificateur du bouche-à-oreille qui soit, le Web, facilite les points de contacts entre les consommateurs.

Il faut donc trouver qui sont les nouveaux influenceurs; les écouter.

Plus d'écoute, moins de messages...

Voici un article intéressant (quoique pas très récent) d'Anna Maria Virzi intitulé Best Practices for Consumer-Generated Contests.

La semaine prochaine: un ou des exemples de perte de contrôle en communication interne.

Merci de votre lecture

Patrice Leroux


2 commentaires:

Sophie Labelle a dit…

Voilà un excellent billet ! Long mais qu'on dévore jusqu'à la fin. Merci de nous avoir parlé de cette campagne, je n'en avais pas eu vent. La perte de contrôle du message, le nerf de la guerre des RP. Assiste-t-on à la mutation de notre profession ? Comment naviguer à travers ces nouvelles eaux tumultueuses ? Tumultueuses, car encore plutôt méconnues. Pourtant, les relations publiques, c'est justement d'établir une relation avec des publics, de gérer ces interactions. Et toute relation demande des échanges, de l'écoute, de l'authenticité pour évoluer et se solidifier.

Patrice Leroux a dit…

Merci Sophie. Aujourd'hui, il faut être prêt à voir son "message" prendre diverses voies - positives et négatives. Dans ce dernier cas, et pour remettre les pendules à l'heure assez rapidement, il faut se fixer l'objectif fondamental suivant: écouter et participer. En participant, on gagne le respect des autres et avec ce respect, on se met en meilleure position pour être écouté à son tour et engager le dialogue.

 
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