27 mai 2013

Mieux comprendre la e-réputation (2)



Image: Pixtawan / FreeDigitalPhotos.net

2/4 - Transparence et porosité (suite de 1)

Plusieurs grandes organisations semblent vouloir démontrer, à divers degrés, davantage d’imputabilité et de responsabilité sociale par le biais d’une transparence volontaire. 

La multinationale Proctor and Gamble est probablement l’une des premières grandes entreprises internationales à avoir utilisé le web à cette fin. Dès 2002, elle lançait son site Science in the Box8.  

Par le biais d’une vulgarisation scientifique, Proctor and Gamble vise à se rapprocher de certaines parties prenantes pour faire connaître ses actions en matière d’environnement et de développement durable. Toutefois, ce site offre peu d’interaction et semble éviter les besoins et attentes du web 2.0 (du moins dans les versions non-anglophones de ce site). 

D’autre part, il existe des critiques assez acerbes mais documentées sur les enjeux de la responsabilité sociale de grandes entreprises internationales et canadiennes, tel que le démontrait le professeur Bernard Dagenais, de l’Université Laval, lors d’une présentation donnée dans le cadre du congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) en 20139.  

Un autre cas d’espèce, plus récent et répondant davantage à la nouvelle donne des médias socionumériques concerne le géant américain de l’alimentation rapide McDonald’s qui a mis sur pied, en automne 2012, un site web pancanadien de Q&R baptisé « Nos aliments. Vos questions10 ». 

Le principe est simple : on pose une question - à être validée - et quelques heures plus tard, on obtient une réponse personnalisée, souvent enrichie d’éléments multimédias, et à la vue de tous. La politique de publication est claire et assez simple. On peut aussi y faire une recherche et accéder aux milliers de questions déjà posées. Bien entendu, on facilite le partage des Q&R à travers trois grands médias socionumériques (FB, Twitter et Google+)

Cette initiative de transparence a été plutôt bien reçue dans son ensemble, autant par le grand public que par les milieux professionnels.

Par contre, la compagnie Coca-Cola Canada avait un peu moins de chance en lançant sa campagne publicitaire contre l’obésité Unissons-nous 11. La Coalition québécoise sur la problématique du poids, par exemple, dénonçait non seulement la campagne mais également le financement d’activités de certaines ONG12.  

La transparence volontaire des entreprises – par le biais de leur présence numérique - rend leurs activités plus poreuses et par le fait même plus perméables aux critiques de toute sorte.

La deuxième caractéristique - la porosité implique que les organisations sont devenues plus perméables et transparentes à partir du moment où les employés d’une organisation - ou toute autre partie prenante externe  - peuvent diffuser et relayer des informations avec facilité et rapidité, notamment par le biais des médias socionumériques. 

Relevant de la transparence, la porosité peut être planifiée, accidentelle ou encore se produire par inadvertance. Bien que les fuites d’information aient toujours existé, il semble que l’attrait des médias socionumériques et le désir de se raconter aient mené vers certains débordements coûteux. 

C’est certainement ce qui est arrivé à Gene Morphis en 2012, le CFO de Francesca’s Holdings Corp., qui divulguait des informations financières trop compromettantes sur ses fils d’actualité personnels Facebook et Twitter13.

Parce que tout consommateur d’information peut devenir aujourd’hui un producteur  - et davantage aujourd’hui grâce aux nombreuses fonctionnalités de la téléphonie mobile - cette plus grande porosité aurait mené les entreprises à se doter de charte ou de politique d’utilisation des médias sociaux pour les employés.

Politique d’utilisation ou non, les informations circulent à très grande vitesse et la mise sur pied d’un blogue ou d’un espace sur Facebook pour dénoncer des pratiques ou des comportements avec lesquels on n’est pas d’accord peut se faire tout aussi rapidement. 

C’est ce qu’a appris la Banque Royale du Canada (RBC) au début de 2013 à la suite d’une alerte d’un employé remercié dans le cadre d’une entente d’impartition technologique controversée, impliquant des travailleurs étrangers. 

Dévoilée d’abord dans les médias socionumériques14, la controverse s’est retrouvée à l’avant-scène des médias traditionnels, dont le réseau anglophone de la société d’état CBC/Radio-Canada15

Il n’en fallait pas moins pour que le PDG de la grande banque canadienne se "mette à l’écoute" 16 et fasse publier une lettre d’excuses aux employés touchés, intitulée très laconiquement " RBC diffuse une lettre ouverte aux Canadiens "17

Outre le titre lapidaire, ce qui étonne encore davantage est la nonchalance de la RBC au plan des méta-étiquettes dans le code source du communiqué. En effet, certaines balises du code HTML sont cruciales quand on souhaite que nos textes soient retrouvés rapidement par les moteurs de recherche et que ces textes s’affichent donc parmi les premiers résultats. 

Or, une recherche avec les quatre mots clés - en anglais - suivants : RBC foreign workers CEO ne faisait apparaître que des articles de médias ou de blogues. On obtenait le même genre de résultats avec les mots clés – en français – suivants : RBC impartition travailleurs étrangers

Un exemple tiré du code source du communiqué en question :

<meta name="description" content="RRBC fait la lumière sur les récents rapports dans les médias" /> 

Outre une utilisation précaire des balises <title >, <h1>, <h2> ou même <h3>, on remarquera ci-dessus que la balise "description" n’offre même pas un seul mot en lien avec l’enjeu principal. 

De plus, on se permet même une coquille malencontreuse dans le nom plus commun (et largement utilisé) de la banque en répétant la lettre « R » dans RRBC.  

Faut-il s’étonner que ce communiqué ne se retrouve pas parmi les premiers résultats des moteurs ? Comment l’institution bancaire peut-elle alors s’assurer que le message d’excuses du PDG sera connu ? En laissant le soin de cette tâche aux filtres des médias et des blogues ? 

Il semble que l’on soit ici devant un cas classique où les auteurs du communiqué (probablement issus des communications corporatives) ne "parlent pas" aux gens qui ont la responsabilité de mettre leur texte en ligne (les gens d’informatique). 

Il ne fait cependant aucun doute que ce type de lacunes peut affecter la réputation de l’institution bancaire. Aujourd’hui les spécialistes des communications et des relations publiques doivent comprendre, au moins minimalement, les bases du référencement organique.

Mêlez-vous de ce qui vous regarde !  

Références:

8 Proctor and Gamble : la carte du dialogue via Internet (Jean Lambert) Consulté le 5 mai 2013.

9 RSE : Mentir donne de si bons résultats (Bernard Dagenais) Consulté le 8 mai 2013.

10 McDonald’s Canada. Nos aliments. Vos Questions. Consulté le 2 mai 2013.

11 Coca-Cola Canada/Campagne publicitaire Unissons-nous. Consulté le 2 mai 2013.

12 Coalition québécoise sur la problématique du poids : Campagne publicitaire sur l’obésité - Coca-Cola tente de se donner bonne conscience. Consulté le 2 mai 2013.

13 Facebook and Twitter postings cost CFO his job (Rachel Emma Silverman). Consulté le 5 mai 2013. http://online.wsj.com/article/SB10001424052702303505504577404542168061590.html

14 Boycott Royal Bank of Canada. Consulté le 1e mai 2013.

15 RBC replaces Canadian staff with foreign workers. Consulté le 2 mai 2013.

16 RBC chief ‘listening’ after foreign worker controversy. Consulté le 3 mai 2013.

17 RBC diffuse une lettre ouverte aux Canadiens. Consulté le 3 mai 2013.


Merci de votre lecture

Patrice Leroux


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