2 juin 2013

Mieux comprendre la e-réputation (4)



Image: Wianga / FreeDigitalPhotos.net

Dernière partie d'une série de quatre articles (1-2-3)

La troisième et dernière caractéristique des relations publiques numériques est le pouvoir de transformation (agency). 

À partir du moment où les données, informations et connaissances sont disponibles, l’organisation en perd le contrôle; le pouvoir de transformation de ces données - rendu possible par le biais des canaux de médias sociaux - devient énorme et unique dans l’histoire de l’humanité. 

Le théoricien américain de l’Internet, Clay Shirky, a souligné à quel point non seulement la communication y est transformée mais aussi, et surtout, les capacités d’organisation et de coordination des populations 27

Ce pouvoir de transformation comprend donc l’intégration, la juxtaposition ou l’amalgame (mashups) et la réinterprétation des contenus. Bien entendu, ce pouvoir de transformation inclut également tout le contenu généré par les utilisateurs (User Generated Content). 

Parmi les conséquences les plus spectaculaires de ce pouvoir de transformation, on retrouve le détournement d’images. La marque européenne Findus en a fait les frais en 2013 à la suite de la fraude alimentaire dont elle aurait été victime 28

Par ailleurs, la marque a tenté de protéger sa e-réputation en demandant à certains médias et blogues de retirer des mentions ou des mots-clés (négatifs) qui lui étaient associés. Dans la plupart des cas, la demande a été refusée 29 mais dans d’autres cas, on aurait accepté de retirer certaines mentions gênantes. 

En effet, des entreprises promettent d’effacer certaines traces, trop embarrassantes de l’empreinte, de l’identité  et surtout de l’image numérique, soit au moyen de recours légaux, de techniques dites de noyades30 ou encore en augmentant artificiellement les publications31

Il va sans dire que ces promesses posent quelques problèmes en matière d’éthique et de transparence. 

Le Mandat de Melbourne et les nouvelles responsabilités des relations publiques

Adopté en novembre 2012 par des associations internationales représentant près de 800,000 professionnels, le Mandat de Melbourne 32 stipule, entre autres, que les relations publiques doivent dorénavant définir et maintenir la personnalité et les valeurs d’une organisation. De plus, elles doivent inciter les individus et les organisations à adopter des comportements responsables. 

Cette tâche peut même aller aussi loin que la remise en question des structures, procédures et méthodes de travail. Il s’agit donc de s’assurer que les valeurs, le leadership et la culture soient bien présents dans toutes les dimensions de l’organisation. 

Ce réalignement découle d’une vaste remise en question de la nature des relations publiques, amorcée à partir de 2008, et comportant des propositions pour redéfinir la pratique. Cette réorientation a mené, entre autres, à une nouvelle définition proposée par la Société canadienne des relations publiques 33

Cette définition, proposant à la fois de réaliser l’atteinte d’objectifs organisationnels ET de servir l’intérêt du public a attiré aussi quelques critiques bien senties 34.

Quoiqu’il en soit, il semble que de nouvelles voies s’ouvrent en relations publiques en cette grande ère de transparence, de porosité et de pouvoir de transformation. Non seulement les pressions s’accentuent de la part de diverses ONG comme Greenpeace, Amnistie internationale ou AVAAZ, les organisations comprennent qu’elles ne peuvent plus se permettre de projeter une image d’entreprise responsable d’un côté, tout en ayant des pratiques douteuses de l’autre. 

Ainsi on apprenait en mai 2013 que Loblaws devenait le premier détaillant canadien à signer l’entente relative à la sécurité des édifices et à la prévention des incendies au Bangladesh 35

On imagine que cette décision a été prise justement parce qu’elle est en adéquation avec les valeurs, la culture et le leadership de l’entreprise. Espérons que ses conseillers en relations publiques ont pu participer aux réflexions ayant mené à cette décision. Non seulement en matière d’image ou de réputation mais surtout à titre d’agent de changement et de protecteur de l’intégrité. 

C’est la grande promesse du Mandat de Melbourne et le gage d’une pratique éthique, transparente et professionnelle.

Références

27 Shirky, Clay, The Power of Organizing Without Organizations. Here Comes Everbody. Penguin Books, 2008, 344 p.

28 La marque Findus tournée en dérision sur le web (Quentin Périnel). Consulté le 3 mai 2013. http://www.lefigaro.fr/societes/2013/02/12/20005-20130212DIMFIG00643-la-marque-findus-tournee-en-derision-sur-le-web.php

29 Comment Findus tente de se dépêtrer de «l’affaire» en soignant sa réputation sur le web (Marina Torre). Consulté le 3 mai 2013. http://www.latribune.fr/entreprises-finance/20130218trib000749453/comment-findus-tente-de-se-depetrer-de-l-affaire-en-soignant-sa-reputation-sur-le-web.html

30 Gérer sa réputation en ligne par ReputationSquad : Les nettoyeurs du Net
http://vimeo.com/12667355 Consulté le 2 mai 2013.

31 One identity or more ? (Jeff Jarvis). Consulté le 2 mai 2013.


33 Définition des relations publiques (Société canadienne des relations publiques). Consulté le 29 avril 2013. http://scrp.ca/aboutus/mission.aspx

34 Definitions of PR: Keeping it Honest (Paul Seaman) Consulté le 29 avril 2013.

35 Accord on Fire and Building Safety in Bangladesh. Consulté le 18 mai 2013.


Merci de votre lecture !

Patrice Leroux

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